Panissole

Commune de Lescure-Jaoul


Près du hameau de Flauzin, la rivière du Viaur, qui forme en ce lieu la limite entre le Rouergue et l'Albigeois, parcourt une gorge sauvage qui s'étend du château de Roum.égous jusqu'à l'église des Infoumats. Dans cet étroit défilé que l'on appelle localement Las Crincos de Flauzzi, il y a sur la rive droite une petite caverne nommée «Iéio de Panissolo. Cette "église de Panissole" mesure huit mètres de profondeur horizontale, sur six mètres de largeur et quatre à cinq mètres de hauteur. On remarque au centre de la caverne une petite excavation rectangulaire faite de main d'homme, qui a servi à maintenir un poteau de bois: ce détail indique que la cavité a été autrefois sommairement aménagée. Quant au nom commun gléio "église", il pourrait simplement souligner la forme de cette salle souterraine dont la voûte de pierre a pu être comparée à celle d'une église. Toutefois, la suite montrera que ce mot a peut-être une signification plus précise.

Pour ce qui est du nom propre Panissole, il ne peut être compris que si l'on se rappelle que cette région de la vallée du Viaur a été au XVème siècle le théâtre de curieux évènements. C'est là en effet qu'à l'époque du Grand Schisme &Occident ont vécu des partisans de l'antipape Benoît XII, sous la conduite de Jean Carrier, prieur de Lédergues, qui s'était réfugié dans le Château de Tourènes (commune de Crespin), où il résista pendant deux ans, de 1421 à 1423 aux troupes qui voulaient s'emparer de lui. Il fut finalement fait prisonnier et mourut en 1433.

Dans la lettre que le légat du pape écrivit aux consuls d'Albi pour leur demander de mettre fin à l'hérésie, il est question d'une caverne nommée Panisculeta: in spelunca illa residentiae suae de Turenna dicta Panisculeta. E Cabié, qui cite ce texte, note que le nom propre Panisculeta est une allusion évidente à l'île espagnole de Péniscola où vivait alors l'antipape fugitif Mais le nom commun spelunca l'embarrasse: il s'agit, écrit-il, d'une sorte de métaphore injurieuse, car Tourène ne possède en réalité aucune trace de caverne".

Cette dernière remarque est entièrement juste: il n'y a pas en effet de grotte dans la région de Tourène. Toutefois, bien que la distance entre Tourène, résidence principale de Jean Carrier, et l'église de Panissole soit de l'ordre de 10 km, on peut se demander si les hérétiques, qui étaient nombreux dans la région de Flauzins, ne se réfugiaient pas non seulement dans le château, mais aussi dans la caverne. Il est donc probable que la gléio de Panissolo leur a servi de refuge, d'autant plus qu'elle constitue la seule anfractuosité relativement spacieuse qui existe dans ce pays au sol schisteux, où les grottes proprement dites, par opposition aux simples cavernes d'effondrement - comme c'est le cas ici - sont inconnues.

Dans ces conditions, il semble que le nom propre Panissolo soit tout simplement l'adaptation en rouergat du toponyme espagnol Peniscola qui était célèbre parmi les partisans de Benoît XII.

Quant au nom commun gléio, il pourrait indiquer que la caverne de Panissole était devenue une véritable église du Désert où les amis de Jean Carrier célébraient leur culte clandestin, comme le feront deux siècles plus tard, dans un cadre géologique analogue d'escarpements schisteux, les Camisards des Cévennes.

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